La responsabilité pénale des agents territoriaux en 10 questions
Publié le
23/02/2015 • Mis à jour le 18/03/2015 • Par Sophie Soykurt • dans : Statut, Statut technique
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Que l’infraction soit intentionnelle ou non, les fonctionnaires
peuvent être poursuivis au pénal pour des faits tels que l’abus d’autorité, la
mise en danger d’autrui, l’imprudence ou la négligence.
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Cet article
est paru dans
Le Club Technique
Le Club Technique
Références
- Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 relative aux droits et obligations des fonctionnaires, dans sa version consolidée au 19 mai 2011.
- Code pénal, art. 121-3, 221-6, 222-19, 223-1, 432-1 à 5 et 432-10 à 13.
1 – Qu’est-ce que la responsabilité
pénale ?
Lorsqu’il
est l’auteur d’une infraction pénale, l’agent public doit répondre de son acte
et subir la peine prévue par la loi. Le code pénal identifie des infractions
propres aux fautes commises par l’agent dans l’exercice de ses fonctions. En
principe, pour que sa responsabilité pénale soit engagée, il faut que
l’infraction soit prévue par la loi, qu’il existe un lien de causalité entre la
faute et le dommage causé et que l’agent ait eu la volonté de la commettre,
sous réserve des infractions non intentionnelles (lire les questions nos 2 et
4).
En outre, la
responsabilité pénale est considérée comme une responsabilité individuelle :
l’agent pénalement responsable doit seul répondre des conséquences de ses actes
et subir de manière personnelle une éventuelle condamnation.
2 – Quelles sont les infractions
spécifiques ?
Dans le
cadre de l’exercice de leurs fonctions, les agents publics peuvent être
poursuivis pour des infractions intentionnelles, mais aussi pour des
infractions non intentionnelles. Pour qu’une infraction intentionnelle soit
constituée, le fonctionnaire doit avoir agi volontairement, en pleine
connaissance de cause, et non par erreur ou du fait de son incompétence.
Parmi les
infractions intentionnelles, le code pénal distingue notamment les abus
d’autorité commis par les agents publics et dirigés contre l’administration ou
contre les particuliers, tels que, par exemple, les discriminations et les
manquements au devoir de probité, parmi lesquels figurent la concussion, la
corruption et le trafic d’influence, la prise illégale d’intérêts (anciennement
appelée « ingérence ») ou encore la prise de participation illégale.
S’agissant
des infractions non intentionnelles, la responsabilité pénale des agents
publics peut par exemple être engagée en cas d’homicide involontaire résultant
d’un manquement à une obligation de sécurité ou de prudence (trois ans
d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende), d’atteinte involontaire à
l’intégrité de la personne ou de mise en danger d’autrui.
3 – Qu’est-ce que le manquement à la
probité ?
Parmi les
manquements au devoir de probité, l’infraction de concussion est constituée
lorsque l’agent public perçoit une somme d’argent qu’il sait ne pas être due ou
bien exonère autrui du paiement d’une somme due.
La prise
illégale d’intérêt sanctionne le comportement d’un agent qui prend, dans
l’exercice de ses fonctions, une décision à laquelle il a un intérêt. C’est le
cas par exemple du fonctionnaire territorial qui emploie à son domicile des
employés municipaux.
La
corruption consiste pour l’agent à exécuter un acte de sa fonction contre des
offres ou des promesses et à accepter des dons. On parle de « corruption
passive » pour le fonctionnaire qui se laisse corrompre et de « corruption
active » pour le corrupteur.
La prise de
participation, quelle que soit sa forme (en capital ou en travail), est
sanctionnée pénalement. Est passible de trois ans de prison et 200 000 euros
d’amende, l’ancien agent public qui participe à une entreprise dont il avait le
contrôle avant sa cessation de fonctions ou bien avec laquelle il a pu signer
des contrats moins de trois ans avant la cessation de fonctions.
4 – Qu’est-ce qu’une infraction non
intentionnelle ?
Le code
pénal pose comme principe qu’il n’y a « point de crime ou de délit sans
intention de le commettre » (article 121-3 alinéa 1). Il réserve néanmoins deux
exceptions : en cas de mise en danger délibérée de la vie d’autrui (alinéa 2)
et en cas de faute d’imprudence ou de négligence (alinéa 3).
Dans cette
dernière hypothèse, lorsque l’auteur direct de cette faute est un fonctionnaire
ou un agent non titulaire de droit public, l’article 11 bis A de la loi du 13
juillet 1983 modifiée prévoit que sa responsabilité pénale soit engagée
seulement s’il n’a pas accompli « les diligences normales » qui lui
incombaient, « compte tenu de ses compétences, du pouvoir et des moyens dont il
disposait, ainsi que des difficultés propres à ses missions ». C’est au juge de
prouver l’absence de diligences normales.
5 – Quid de la contribution à un
dommage ?
Lorsqu’il
n’est que l’auteur indirect d’une faute d’imprudence ou de négligence, la
responsabilité de l’agent public (titulaire ou non titulaire) peut être engagée
dans deux cas. Il faut soit qu’il ait violé de manière manifestement délibérée
une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi, soit
qu’il ait commis une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d’une
particulière gravité.
6 – Qu’est que l’auteur indirect
d’une faute ?
L’auteur
indirect d’une faute pénale est la personne qui a créé ou contribué à créer la
situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n’a pas pris les
mesures permettant de l’éviter. C’est le cas par exemple d’un responsable de
service technique qui ne prendrait pas les mesures nécessaires pour que
l’exécution d’un chantier par les ouvriers municipaux soit la plus sûre
possible. En l’occurrence, la personne chargée de veiller au respect de la
réglementation relative à la sécurité du travail est particulièrement
concernée.
7 – Quelles sont les peines
encourues ?
Les
condamnations auxquelles s’expose l’agent public qui commet des infractions
pénales sont déterminées par les textes qui caractérisent ces infractions, en
particulier par les dispositions du code pénal. Ces condamnations varient selon
la gravité de l’infraction commise. Elles peuvent se traduire par une amende ou
une peine d’emprisonnement ou bien les deux. Si la condamnation pénale
s’accompagne expressément d’une privation de droits civiques, le fonctionnaire
est alors radié des cadres.
8 – Une faute pénale est-elle une
faute de service ?
Un même fait
peut à la fois constituer une faute de service engageant la responsabilité de
l’administration et une infraction pénale engageant également la responsabilité
pénale et personnelle de l’agent concerné (Tribunal des conflits, 14 janvier
1935, n° 00820). Autrement dit, le fait que l’agent commette une faute de
service peut engager la responsabilité de la personne publique en ce qui
concerne la réparation du préjudice subi par la victime, mais aussi la
responsabilité pénale de cet agent (Cour de cassation, 8 juillet 1980, Bulletin
criminel, n° 218).
9 – Comment se combinent les
responsabilités ?
Indépendamment
de la mise en œuvre d’une procédure disciplinaire à l’égard d’un agent, des
poursuites pénales peuvent être engagées contre lui (loi du 13 juillet 1983
modifiée, article 29). Il en va de même s’agissant des agents contractuels
territoriaux. Depuis 2007, le décret du 15 février 1988 relatif aux agents non
titulaires de la FPT prévoit que « tout manquement au respect des obligations
auxquelles sont assujettis les agents publics, commis par un agent non
titulaire dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, est
constitutif d’une faute l’exposant à une sanction disciplinaire, sans
préjudice, le cas échéant, des peines prévues par le code pénal ».
En outre,
les procédures disciplinaire et pénale sont indépendantes. L’administration
n’est pas tenue d’attendre que le juge pénal se prononce sur la matérialité des
faits reprochés à l’agent pour engager une procédure disciplinaire (cour
administrative d’appel de Paris, 2 octobre 2007, req. n° 06PA03333). De même,
un fonctionnaire condamné pénalement pour agression sexuelle peut être révoqué
à titre disciplinaire même si les faits ont été commis en dehors du service
(cour administrative d’appel de Douai, 6 octobre 2011, req. n° 10DA01437).
10 – Comment la protection
fonctionnelle joue-t-elle ?
Lorsqu’il
est poursuivi pénalement, un agent peut solliciter le bénéfice de la protection
fonctionnelle prévue par l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 modifiée,
dès lors que les faits qui lui sont reprochés ne constituent pas une faute
personnelle. En l’occurrence, la circonstance qu’une qualification pénale des
faits soit invoquée ou même retenue dans le cadre d’une procédure pénale
engagée à l’encontre d’un fonctionnaire ne suffit pas à établir l’existence
d’une faute personnelle (Conseil d’Etat, 14 novembre 2007, req. n° 296698).
La recherche
d’une telle faute relève de la compétence de l’administration, qui doit
examiner les éléments dont elle dispose à la date à laquelle la demande lui est
présentée. Si ces éléments permettent, à la date à laquelle elle statue, de
conclure à l’absence de faute personnelle ou à l’existence d’un doute sérieux
sur la présence d’une telle faute, l’agent doit alors bénéficier de la
protection fonctionnelle. Sans attendre l’issue de la procédure pénale, les
frais de justice exposés par l’agent pour sa défense sont alors pris en charge.
Mais, si l’administration établit l’existence d’une
faute personnelle, l’agent ne peut obtenir le remboursement de ses frais, même
s’il est mis hors de cause à l’issue de la procédure pénale (question écrite de
Marie-Jo Zimmermann, n° 3587, JO de l’Assemblée nationale, 13 novembre 2007).
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