mardi 14 janvier 2014

Mory Ducros : 7 000 emplois menacés, la CFDT se mobilise

PUBLIÉ LE 13/01/2014 À 13H15par Anne-Laure Besse et Nadège Figarol
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Le transporteur Mory Ducros (5 500 salariés) a annoncé, le 22 novembre, au cours d’un comité d’entreprise extraordinaire, être en cessation de paiement et demande son placement en redressement judiciaire. Suivez les événements au jour le jour.
La chronologie des événements depuis le 22 novembre


10 janvier : la profession se mobilise pour la sauvegarde de l’emploi
À la suite de la réunion des organisations syndicales et patronales le 10 janvier au ministère du Travail, l’État a annoncé qu’ayant obtenu des garanties suffisantes, il soutiendrait l’offre d’Arcole Industries de reprise à hauteur de 17,5 millions d’euros sous la forme d’un prêt*. Le principal actionnaire de Mory Ducros et sa maison mère, Caravelle, se sont engagés à améliorer leur offre en apportant une somme de 17,5 millions. « Nous avons sécurisé l’offre d’Arcole », a déclaré le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, à l’issue de la réunion – au cours de laquelle des mesures exceptionnelles d’accompagnement des salariés ont été confirmées (reclassement, formation…).
Du concret est attendu…
Les organisations patronales, quant à elles, ont annoncé qu’elles souhaitaient réduire significativement le nombre d’emplois menacés. Selon Fabian Tosolini, secrétaire national de la CFDT-Transports-Environnement, « ces engagements sont de nature à rassurer. Mais les organisations patronales doivent concrétiser leur annonce par des réunions avec les organisations syndicales dès cette semaine. Et l’on ignore toujours si l’entreprise est viable à long terme et si l’emploi pourra être pérennisé. Le périmètre des agences qui perdureront n’a pas été précisé ».

9 janvier 2014
 : 2 000 emplois pourraient être sauvés mais la pérennité 
de l’entreprise n’est pas assurée
Mory Ducros NFjpg« On ne peut pas dire aujourd’hui qu’il y ait une volonté de reprise sérieuse et pérenne de l’entreprise », constatait Fabian Tosolini, secrétaire national de la CFDT-Transports-Environnement, à l’issue du comité d’entreprise qui s’est déroulé jeudi 9 janvier au siège de Mory Ducros, à Gonesse (95). Quatre offres de reprise ont été déposées le 3 janvier auprès du tribunal de commerce de Pontoise. Celle d’Arcole Industries, principal actionnaire de la société de messagerie en difficulté, devrait permettre de sauvegarder 1 754 emplois, a indiqué l’administrateur judiciaire au comité d’entreprise. Quant aux trois autres offres, il s’agit de reprises partielles qui devraient assurer respectivement 300 et 169 emplois, la troisième offre ne reprenant que du matériel. Aucune information n’a été fournie en ce qui concerne le périmètre des agences qui seraient reprises. « Comment les salariés et les clients peuvent-ils être confiants alors que l’on ignore quelles seront les agences qui perdureront ? Comment pérenniser l’activité de l’entreprise dans ce contexte ? », fait remarquer Fabian Tosolini.
Clauses suspensives
D’autant plus qu’Arcole Industries a assorti son offre de trois clauses suspensives qui la rendraient caduque si celles-ci n’étaient pas respectées. L’actionnaire exige notamment que le numéro deux français du transport de colis conserve au moins 80 % de son chiffre d’affaires et qu’il n’y ait pas de conflit social d’ici au 31 janvier 2014, date à laquelle le tribunal de Pontoise rendra sa décision.« Alors que les salariés font tout pour préserver l’activité de Mory Ducros, on leur impose une clause disant qu’on ne leur fait pas confiance. C’est intolérable », ajoute Fabian Tosolini. « Déception », « mécontentement » : les salariés sont amers, alors que les camions de la société de messagerie continuent leurs allers et venues sur le site de Gonesse.

Selon le calendrier fourni par l’administrateur judiciaire, les premières lettres de licenciement devraient être envoyées aux salariés à partir du 3 mars. Mais le pire pourrait encore arriver si Arcole Industries retirait son offre d’ici à la fin du mois de janvier, sous prétexte de ces clauses. La CFDT souligne néanmoins que l’État a dit être prêt à fournir 25 millions d’euros pour soutenir l’offre du principal actionnaire. « Cet argent n’est pas encore mis sur la table. Il faut qu’il permette d’améliorer l’offre d’Arcole pour sauver davantage d’emplois », met en avant Fabian Tosolini. Les partenaires sociaux devaient se réunir ce vendredi 10 janvier après-midi au ministère du Travail pour discuter des dispositifs d’accompagnement des salariés qui auront perdu leur emploi, le ministère souhaitant mettre en œuvre des dispositifs exceptionnels. Mais les autres acteurs du secteur de la messagerie ont dénoncé une « concurrence déloyale » si l’État soutenait financièrement le plan de reprise d’Arcole Industries, révélant que la profession ne souhaite pas se mobiliser pour la sauvegarde de l’emploi. « D’autres entreprises pourraient tomber, met en garde André Milan, secrétaire général de laCFDT-Transports-EnvironnementNous avons alerté le ministère du Redressement productif sur la nécessité de sortir des visions à court terme pour s’interroger sur le modèle économique de la messagerie. »


19 décembre : les revendications de la CFDT
Les représentants de la FGTE-CFDT de Mory Ducros ont rencontré des conseillers des ministères du Travail et des Transports le 17 décembre dernier afin d’évoquer les possibilités de reclassement et de reconversion des quelque 5 000 salariés potentiellement licenciés. « Nous exigeons avant tout une obligation de résultat dans l’accompagnement des salariés, et pas seulement une obligation de moyens », affirme Edgar Stemer, secrétaire général adjoint de la CFDT-Transports-Environnement. En outre, pour éviter tout monopole, au lieu d’une seule société de reclassement, la CFDT souhaite plusieurs entités en région et une à l’échelle nationale.
Dans la mesure où les congés de fin d’activité (préretraite) ne devraient concerner que 200 personnes, la majorité des salariés licenciés seraient reclassés. « Les besoins en formation vont donc être nombreux. Nous demandons une mise en œuvre rapide et un traitement particulier en faveur Mory Ducros sur le volet sécurisation des parcours professionnels. Par exemple, est-il possible de débloquer des fonds supplémentaires ? » Comme le stipule l’Ani du 11 janvier 2013, les salariés qui souhaitent bénéficier de leurs heures de Dif (droit individuel à la formation) doivent pouvoir le faire. « Lorsqu’ils intègrent un nouvel emploi, la période de quinze jours d’adaptation à l’emploi est souvent nécessaire… Nous réclamons également la compensation salariale pour une personne qui trouverait un emploi dont le niveau de rémunération serait inférieur au montant de ses allocations-chômage », précise Edgar. Enfin, en ce qui concerne la reprise potentielle d’une partie du personnel (2 000 salariés), « nous voulons l’assurance qu’il n’y aura pas un nouveau plan social au bout de six mois. Le protocole d’accord doit entériner des engagements pour tous ! »

11 décembre : appel à la mobilisation pour le 20 décembre


3 opérations prévues :
- le 19 décembre une opération escargot au départ de Douai (Nord) pour se rendre à la préfecture de Lille
- le 19 décembre un rassemblement à Rennes pour la venue de Pierre Gattaz, Président du MEDEF
- le 20 décembre une opération escargot au départ du Ministère du Redressement Productif à Bercy pour rejoindre le tribunal de commerce de Cergy-Pontoise.

4 décembre 
: un repreneur avant le 3 janvier
La décision prise par le tribunal de commerce de Cergy Pontoise d’établir au 3 janvier 2014 la date limite pour déposer une offre formelle de reprise du transporteur Mory Ducros par des entreprises candidates accélère le calendrier et bouleverse la procédure. Pour la CFDT, cette décision implique :
  • que par son absence de trésorerie suffisante pour le paiement des salariés au-delà du 31 décembre 2013, le groupe Caravelle n’aurait jamais souhaité sauver l’entreprise Mory Ducros. Cette situation liée à cette pression financière est inacceptable.
  • que la situation de l’entreprise Mory Ducros est critique et que si rien n’est fait d’ici 20 jours, la liquidation judiciaire pourrait être prononcée dès le début de 2014.
La CFDT considère qu’il reste encore 20 jours pour sauver cette entreprise et les 7 000 emplois qui en découlent. Ce n’est plus une course contre la montre mais bien un sprint que l’ensemble des professionnels du transport et des pouvoirs publics doivent mener pour maintenir l’entreprise Mory Ducros comme opérateur de transport de messagerie en France.
En tout état de cause, et si la liquidation judiciaire devait être prononcée dès le début 2014, la CFDT considèrerait que le dossier Mory Ducros n’aura pas été lié seulement à une mauvaise gestion de l’entreprise mais aussi à une véritable banqueroute organisée par le groupe Caravelle !
Urgent ! Une nouvelle mobilisation nationale des #MoryDucros aura lieu le 20 décembre prochain.
— Fabian Tosolini (@FTosoliniCFDT) 3 Décembre 2013

Afin de faire entendre la voix des salariés de Mory Ducros, la CFDT va proposer aux quatre autres organisations syndicales, de l'entreprise une mobilisation nationale le 20 décembre, date de l’audience au tribunal de commerce de Cergy Pontoise.
28 novembre : rencontre réaliste sans redressement avéré
Suite à la rencontre avec les Ministres du Transports et du Redressement productif, il ressort :
  • Une volonté de l’Etat de suivre étape par étape le redressement judiciaire
  • Une volonté affirmée d’une reprise globale et sérieuse de l’entreprise Mory Ducros assurant sa pérennité
  • La mobilisation des trois ministères (Redressement Productif, Transports et Travail) pour proposer à chaque étape du redressement judiciaire des solutions facilitant la reprise globale de l’entreprise.
La CFDT a rappelé qu’elle ne croyait pas au plan de restructuration proposé par Caravelle ni à son éventuel implication dans une reprise de la société.
28 novembre : La CFDT rencontre les ministres des Transports et du Redressement productif
La CFDT, tout comme les quatre autres organisations syndicales représentatives au sein de l’entreprise Mory Ducros, ont été reçues cet après-midi par le Ministre du Redressement productif ainsi que par le Ministre des Transports.
L’occasion pour la CFDT de s’exprimer sur trois points.
-       Le positionnement de l’Etat sur la volonté de maintenir ou non l’entreprise Mory Ducros comme opérateur de transport de messagerie en France.
-       La présentation du plan alternatif CFDT permettant de sauver l’emploi d’au minimum 3000 salariés.
-       La mobilisation de l’Etat face à ce dossier d’ampleur qui nécessitera de l’innovation sociale.
La CFDT attend des réponses gouvernementales face à ces interpellations et prendra position par rapport aux réponses apportées.
Elle rappelle que la sauvegarde de l’entreprise Mory Ducros passera par la mobilisation de l’ensemble des salariés, des clients, des pouvoirs publics et des professionnels du transport routier.
Pour la CFDT, Mory Ducros ne peut disparaitre du paysage de la profession.

26 novembre : placement en redressement judiciaire
Une centaine de salariés Mory Ducros manifestaient en début d'après-midi devant le tribunal de commerce de Cergy-Pontoise. Celui-ci a prononcé la mise en redressement judiciaire de l’entreprise. Le tribunal a fixé une période d’observation d’une durée de 6 mois. Il a par ailleurs fixé une première audience au 20 décembre 2013.
Devant le tribunal de commerce / vidéo VOnews95
Dès à présent, la CFDT va faire valoir auprès des deux administrateurs désignés un plan alternatif au plan de cession envisagé par la direction. Ce plan permettra la sauvegarde d’environ 3 000 salariés.
Il serait basé sur 3 points :
-       le repositionnement territorial de certaines agences Mory Ducros
-       la mise en place systématique de la diversification sur l’ensemble des agences conservées.
-       un développement et une ré-internalisation des trafics internationaux et d’ouverture sur la mer
Pour la CFDT, seule une reprise globale de l’activité permettra d’assurer la cohérence du plan de transport national et la pérennité de l’activité à long terme.
Elle se rendra jeudi 28 novembre à 15h00 à l’invitation des ministres du Redressement Productif et des Transports.
Rassemblement à pontoise au tribunal de commerce pour la sauvegarde de l'emploi ! #MoryDucrospic.twitter.com/PVeLvmIiLJ
— Fabian Tosolini (@FTosoliniCFDT) 26 Novembre 2013

24 novembre : la CFDT écrit une lettre ouverte au PDG de Mory Ducros
Suite au dépôt de bilan présenté ce jour, les Mory Ducros ont adressé une lettre ouverte à leur PDG, André Lebrun. Ils entendent faire savoir que la direction est « comptable de la situation dramatique dans laquelle 5 000 salariés et 2 000 sous-traitants sont plongés ». Dans cette lettre, ils estiment avoir été floués sur trois points en particulier : les 265 millions d’euros alloués par Deutsch Post qui devaient assurer l’avenir de Ducros Express au moment de la fusion en 2011, les 44 millions d’euros reçus lors du rachat de la Mory Team par Caravelle et avalés par la trésorerie et enfin les négligences dans la gestion de l’entreprise (plan d’investissement, diversification des activités et rénovation des agences).
Pour l’heure, André Lebrun a fait savoir, par le biais d’Arcole Industries, actionnaire majoritaire, qu’il serait prêt à participer à « une offre de reprise partielle aux côtés de partenaires et avec le soutien des pouvoirs publics ». La CFDT dénonce « une annonce incongrue et tardive » au moment même où elle attend qu’un administrateur judiciaire soit nommé.

22 novembre : Mory Ducros annonce son dépôt de bilan en CCE
La fusion, en 2011, entre Mory et Ducros Express, tous deux déficitaires, n’aura pas suffi à redresser les comptes… Le dépôt de bilan sera présenté le 25 novembre et une première audience au tribunal de commerce de Pontoise aura lieu le lendemain. L’entreprise pourrait ainsi supprimer entre 2 000 et 3 000 emplois, auxquels s’ajouteraient 2 000 autres salariés des sous-traitants.
"Le transporteur Mory Ducros dépose le bilan" Vidéo AFP
« La CFDT exprime ses craintes sur la santé économique du groupe depuis plus de deux ans. L’activité unique de messagerie ne pouvait que conduire à la catastrophe », affirme le délégué syndical Rudy Parent. Cette activité impose en effet des coûts fixes élevés, liés au réseau d’agences sur tout le territoire. Outre l’effondrement du fret, l’actionnaire principal a négligé le développement de l’entreprise.
Plan de sauvegarde
Un premier plan alternatif a été établi au regard de la situation de chaque agence. Selon André Milan, secrétaire général de la FGTE-CFDT, « ce plan permet de sauver un grand nombre d’emplois et tient compte de l’histoire économique de l’entreprise. Il faut absolument diversifier l’activité sur de la logistique, de l’affrètement, de l’international… Nous travaillons au meilleur calibrage possible ».
« Le plan sera volontariste dans les activités annexes qui avaient été laissées de côté, et qui étaient pourtant génératrices de plus-values et de marges bénéficiaires », explique Denis Jean-Baptiste, secrétaire du CE.
Une rencontre ministérielle a eu lieu le 22 novembre. La CFDT n’est pas d’accord avec le Premier ministre, qui propose de gérer le plan social site par site. « Nous souhaitons une reprise globale. Si l’on travaille agence par agence, on minimise le plan social », affirme Fabian Tosolini, secrétaire national de la Fédération des transports. « On ne parlera de reclassement que si l’on ne trouve aucun repreneur. »
Afin d’embrayer sur une nouvelle configuration, le deuxième messager de France a besoin de 40 millions d’euros et devra réduire le nombre d’agences. « Passer à une cinquantaine semble plus adapté à la situation économique. Le plan de transport doit être étudié avec rigueur, tout comme la capacité et le périmètre des agences », précise André Milan. Une deuxième rencontre ministérielle est prévue d’ici à la fin novembre… mais l’État ne peut se substituer à un investisseur privé. L’actionnaire actuel devra donc mettre la main à la poche.
Pour l’heure, la CFDT (32 %) va se rapprocher des organisations syndicales, et notamment de la CGT (31 %), pour mettre en place un solide plan d’action.
Mory Ducros en quelques chiffres
• 5 500 employés
• 85 agences intégrées
• 11 plateformes internationales
• 4 500 véhicules
• 70 000 expéditions par jour
• 765,5 M€ de chiffre d’affaires en 2012

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