vendredi 6 janvier 2017

l’Agence du service civique a publié un guide pour aider les collectivités à accueillir des jeunes.

« Le chemin vers l’universalité du service civique ne se fera pas sans les maires »

Publié le • Par • dans : France
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yannick-blanc-service-civiqe © Agence du service civique
2016 a été un déclic pour les collectivités qui se sont de plus en plus engagées dans le dispositif du service civique. Mais pour atteindre les objectifs, il faudra continuer sur cette lancée, comme le rappelle Yannick Blanc, président de l’Agence du service civique et haut-commissaire à l'engagement civique.

Pour 2016, l’objectif était que 110.000 jeunes effectuent un service civique. Ce chiffre a-t-il été atteint ?

Un peu moins de 100 000 jeunes ont été accueillis. Ces chiffres sont provisoires, car les données définitives ne seront pas connues avant le mois de mars. Nous sommes sur un très bon chiffre de croissance par rapport aux 53 000 volontaires de 2015. Mais nous sommes toujours sur un ratio de 3 ou 4 jeunes qui candidatent pour une mission proposée. La notoriété du service civique chez les jeunes progresse au moins aussi vite que le nombre de missions qu’on leur propose, donc le différentiel reste le même.

La  part des collectivités est-elle toujours de 8% des missions effectuées ?

Non, elle est véritablement en train d’augmenter. Depuis l’été dernier, on voit de nombreuses collectivités importantes s’engager. Chaque fois que je me déplace en province, je rencontre des élus qui sont déjà mobilisés ou intéressés. Nos premiers chiffres, provisoires je le rappelle, nous laissent à penser que la part des collectivités locales va passer de 8 à 11%, aors que le nombre de missions a été doublé. Il y a donc un vrai décollage de l’engagement des collectivités locales. Après avoir, sans doute par méfiance due à une longue expérience des emplois aidés, regardé le service civique d’un œil torve, les territoires ont compris tout l’intérêt qu’elles pouvaient retirer du dispositif.

Avant l’été 2016, l’Agence a publié un guide pour aider les collectivités à accueillir des jeunes. Y aura-t-il d’autres actions en 2017, ciblées sur les collectivités ?

Les collectivités vont être tout au long de l’année 2017 au cœur de nos préoccupations. On ne peut pas aller vers le service civique universel si les collectivités, et notamment les communes ne sont pas mobilisées. Service civique universel, cela veut dire des jeunes volontaires à proximité de la population, sur tout le territoire, puisque l’essence du dispositif est d’être au service des autres. C’est vraiment dans des missions de proximité qu’on peut développer le service civique. Ce chemin vers l’universalité ne se fera pas sans les maires, sans les conseillers municipaux, sans les services municipaux, sans les CCAS… Je vais, au début de l’année 2017 réunir un groupe de travail sur les difficultés spécifiques du service civique en milieu rural.

Justement, à Fleurance (6 300 hab., Gers), l’adjoint au maire demande plus de souplesse dans les missions proposées aux jeunes dans le monde rural. Il aimerait par exemple pouvoir proposer des missions de community managers. Un geste impossible puisque cela correspondrait à un poste d’agent. En effet, les services civiques ne sont pas sensés être sur des tâches exécutables par des fonctionnaires. Que lui répondez-vous ?

Cela fait partie de l’ordre du jour du groupe de travail. Il y a une voie que je voudrais privilégier pour permettre le développement de missions sur ces domaines dans lesquels les petites communes n’auront jamais d’emploi. Mais néanmoins, pour rester très clair sur le service civique, il faut rappeler que ce ne peut pas être une substitution à un emploi pérenne. J’aimerais privilégier la coopération entre les collectivités locales et les associations de manière à ce qu’une mission de service civique soit toujours liée à un projet d’engagement.
Le service civique est bien sûr une première expérience d’activité et cela a donc une valeur de formation professionnelle pour les jeunes. Mais l’esprit du service civique renvoie surtout à l’engagement envers les autres. Il faut que cette valeur demeure. Etre community manager dans une commune rurale pourquoi pas? Mais si et seulement si c’est mené en coopération avec, par exemple, la ligue de l’enseignement et le programme les D-codeurs. Ce programme se fait dans dans un cadre associatif d’engagement. C’est sur ce sujet que nous allons travailler avec les collectivités rurales.
Par ailleurs, ces communes vont bénéficier d’une nouvelle disposition de la loi Egalité et citoyenneté qui permet l’intermédiation entre collectivités publiques. Plus précisement, une communauté de communes pourra prendre des missions de service civique au bénéfice de ses communes-membres.

Avec donc la possibilité pour un jeune d’effectuer sa mission sur plusieurs communes ?

Il faut voir comment on règle les problèmes de mobilité, difficulté majeure en milieu rural. Mais si c’est le cas, et il y a des collectivités rurales qui y arrivent très bien, bien sûr. De toute façon, on a intérêt à ce que les jeunes volontaires ne soient pas isolés, donc imaginer sur le territoire d’une communauté de communes, un ensemble de missions pour un groupe de jeunes volontaires qui travaillent au bénéfice de plusieurs communes, est possible. D’autant que la fonction de tutorat peut être partagée par plusieurs personnes.
On a des possibilités de souplesse dans le dispositif du service civique sur lesquelles on va travailler de manière à signer des conventions avec les associations d’élus comme l’AMF ou l’AMRF… Le but est que les préfets puissent délivrer des agréments service civique aux collectivités rapidement, sur la base de conventions signées au niveau national.

Lors des débats sur le projet de loi Egalité et Citoyenneté, il avait un temps été question de rendre le service civique obligatoire. Le maire de Courcouronnes (13 500 hab., Essonne) demande, lui, qu’on oblige les collectivités à prendre des volontaires. Faut-il rester avec des jeunes qui sont demandeurs ?

Il est essentiel que le service civique reste un service volontaire de la part des jeunes parce que c’est grâce au volontariat qu’ils sont en position d’initiative et de responsabilité. Avec le volontariat, il y a une adéquation avec l’objectif que nous poursuivons qui est de former davantage de citoyens engagés, responsables et autonomes. Si vous créez une obligation, vous faites des jeunes en service civique des jeunes qui sont de corvée. Aujourd’hui, jeune est volontaire donc il apporte quelque chose à la collectivité ; il n’est pas soumis à une obligation donc il donne de lui-même. Et c’est en donnant qu’il se révèle à lui-même comme citoyen. Une ancienne volontaire me disait : “Quand on fait sa mission de service civique, on réalise de quoi on est capable, et parfois aussi on fait l’épreuve de ses limites.” Et cela, c’est très important.
Pour moi, il ne faut pas changer les règles du service civique maintenant. Elles sont encore récentes et nous sommes vraiment en phase de montée en régime, la société française est en train d’apprivoiser le service civique et d’en faire une habitude. Il faut laisser cette phase se faire, se développer pendant encore deux ou trois ans. A ce moment-là, nous pourrons reposer la question. Mais cette relation de volontariat, elle est une base de confiance dans la relation qu’a la société avec la jeunesse. Et cela, c’est vraiment fondamental. Etablir ou rétablir cette confiance, je crois que tous les élus peuvent être sensibles à cet argument. Maintenant, il faut en effet qu’à tous les niveaux, il n’y ait pas que les jeunes qui s’engagent mais que tous les responsables ou organismes qui peuvent travailler avec des jeunes en service civique s’engagent à en accueillir. C’est de l’ordre de l’engagement.
Pour les collectivités, je parlerais donc volontiers d’une ardente obligation, un député voulait l’inscrire dans la loi sous cette forme, c’est-à-dire celle d’une obligation morale. Sur le plan juridique, je crains toutefois que la création d’une obligation de ce genre pour les collectivités alors que la Constitution prévoit que la République est décentralisée et que les collectivités s’administrent librement ne soit pas constitutionnel.

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