mardi 24 janvier 2017

EDF fait discrètement capoter la fermeture de Fessenheim


Le 24 janvier 2017 par Marine Jobert
La centrale alsacienne date de 1977.
La centrale alsacienne date de 1977.
Le conseil d’administration de l’électricien a validé son indemnisation, par l’Etat, pour la fermeture de la centrale de Fessenheim. Mais pas question de valider le principe même de l’abrogation de l’autorisation d’exploiter. Du moins pas avant que l’Etat ne lui accorde quelques faveurs. En attendant un autre président…
C’est un ‘oui’ assorti de tant de conditions et de reports qu’il a des allures de ‘non’. Ce 24 janvier, le conseil d’administration d’Electricité de France (EDF) a bien validé le protocole d’indemnisation qui pourrait conduire, «le moment venu», à la fermeture de la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin). Syndicats de salariés, associations écologistes, partis politiques, ministre de l’environnement… Tout le monde (ou presque) s’en est réjoui, mais pas pour les mêmes raisons. Certains veulent y lire la réalisation d’une promesse du président Hollande et un début de sortie du nucléaire. D’autres, plus pragmatiques, constatent que le conseil d’administration a repoussé sine die le vote sur l’abrogation de l’autorisation d’exploiter la plus vieille centrale du pays.
L’accord a été obtenu à l’arraché. Car sur les 18 membres du conseil d’administration, le tiers représentant l’Etat ne pouvait pas prendre part au vote et le tiers représentant les salariés a voté contre; c’est donc le derniers tiers composé d’administrateurs dits ‘indépendants’ -et surtout la voix prépondérante du PDG Jean-Bernard Lévy- qui a fait pencher la balance.
Promesse du seul Hollande
«C’est un non-vote, résume Angelo Murgant, pour qui seule comptait vraiment la question de l’abrogation. Le délégué Force ouvrière à Fessenheim, contacté par Le journal de l’Environnement, est très satisfait que l’entreprise ait continué à «traîner les pieds» face à une fermeture «qu’elle ne demande pas». Le prochain conseil d’administration se tiendra en juin prochain. Après l’élection présidentielle, donc. Et l’ex-électricien en est certain: «C’est une promesse de Hollande, le nouveau président ne fera pas fermer la centrale.»
490 millions et plus
EDF a bien manœuvré. D’ici 2021, l’Etat français s’est engagé à verser à l’opérateur environ 490 millions d’euros, pour financer la reconversion des personnels, le démantèlement du site et le paiement de deux taxes. Il a aussi consenti au versement d’une «part additionnelle variable (…) reflétant le manque à gagner pour EDF jusqu’en 2041», dont le montant reste flou. Il sera déterminé «en fonction des prix de marché et de la production du palier 900 mégawatts d’EDF, hors Fessenheim, tels que constatés [jusqu’en 2041]». Les partenaires suisses et allemands d'EDF dans la centrale (EnBW et CNP) auront, «à certaines conditions», droit à une quote-part de l’indemnisation du manque à gagner, en fonction de leurs droits contractuels sur la capacité de production de la centrale.
Paluel et Flamanville dans la balance
EDF a également obtenu trois engagements de la part de l’Etat. Primo, l’entrée en vigueur des autorisations nécessaires à la poursuite de la construction de l’EPR de Flamanville 3, qui arrivent à échéance en avril prochain alors que le chantier n’est toujours pas achevé. Ensuite, le redémarrage du réacteur n°2 de la centrale de Paluel (Seine-Maritime), à l’arrêt depuis mai 2015. Enfin, la confirmation par la Commission européenne de la conformité du protocole à la règlementation en matière d’aides d’Etat. «Une formalité», assure-t-on à EDF. Autant de décisions qui ne dépendent pas entièrement de l’Etat. L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a donné son feu vert au redémarrage de Paluel 2 le 12 janvier dernier et des arrêtés ministériels sont attendus. Le dossier Flamanville est en revanche loin d’être épuisé.
Ségolène Royal s’est félicitée de la décision du jour, «dans le calendrier prévu, avec un délai jusqu’à l’ouverture de Flamanville». La ministre de l’environnement rêve d’une usine franco-allemande de batteries de nouvelle génération avec l’implantation d’une usine Tesla de véhicules électriques.
Report sine die
 Quand le conseil d’administration aura «constaté que ces conditions sont réalisées», alors seulement il organisera une nouvelle délibération en vue de présenter la demande d’abrogation de l’autorisation d’exploiter de la centrale alsacienne. Au prochain conseil d’administration de juin? «L’ordre du jour n’est pas calé, répond-on chez EDF. Et on ne peut pas dire à cette date si toutes les conditions auront été remplies.»
Conditions inacceptables selon Greenpeace
Pour Greenpeace, les conditions exigées par le conseil d'administration sont «inacceptables et sans aucun fondement légal». L’ONG estime que l'entreprise «joue la montre». «EDF a donc définitivement piégé le gouvernement qui n'a en fait plus les moyens d'obtenir la fermeture de Fessenheim. EDF décide de tout, piège tout le monde et nous mène droit dans le mur», estime Yannick Rousselet, chargé de campagne nucléaire à Greenpeace.

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