samedi 16 avril 2016

OCDE : « En France, il faut promouvoir les investissements intercommunaux »




La dépense publique locale en Europe (5/5)

Publié le • Par • dans : A la Une finances, Actu experts finances, Dossiers finances, Europe
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Isabelle Chatry, cheffe de projet, finances infranationales et réformes territoriales, gouvernance publique et développement territorial (à gauche) et Dorothée Allain-Dupré, cheffe de projet senior investissement public et gouvernance pluri-niveaux, gouvernance publique et développement territorial. Isabelle Chatry, cheffe de projet, finances infranationales et réformes territoriales, gouvernance publique et développement territorial (à gauche) et Dorothée Allain-Dupré, cheffe de projet senior investissement public et gouvernance pluri-niveaux, gouvernance publique et développement territorial. © © FABIEN CALCAVECHIA
Isabelle Chatry, cheffe de projet "finances infranationales" et Dorothée Allain-Dupré, cheffe de projet senior "investissement local et gouvernance publique", toute deux à l'OCDE, analyse le cas français, à l'aune des pratiques européennes. Edifiant.
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En Europe, la dépense locale sous la pression des Etats

Chiffres-clés

Les gouvernements infranationaux dans les pays de l'OCDE : Les données clés, édition 2015.

Comment les collectivités européennes ont traversé la crise ?

Isabelle Chatry : Elles ont compensé la baisse quasi généralisée des dotations de 1,7 % par an en volume en moyenne entre 2010 et 2014 – par une hausse des recettes fiscales de 3,1 % sur la même période. Mais la principale variable d’ajustement a clairement été l’investissement : il a chuté de 3,8 % par an durant la même période.
Dorothée Alain-Duprée : La France a plutôt bien résisté jusqu’en 2014 avec un investissement en hausse de plus de 2 % entre 2010 et 2014, profitant entre autre du cycle électoral. Mais à partir de 2014, il chute nettement de 10 %.

Les gouvernements infra-nationaux sont-ils à l’origine de la hausse de la dette des pays européens ?

I.C. : Dans certains pays, comme en Espagne par exemple, c’est évident. Mais en 2014, le déficit infra-national de l’UE a été ramené à 0,16 % du PIB et il est quasi-nul pour le seul secteur local. La dette infranationale représente encore 13 % du PIB selon les critères de Maastricht et 6,1% au niveau local, mais elle progresse désormais mois fortement et tend même à se réduire dans certains pays.

L’encadrement des dépenses était-il inévitable ? A-t-il été efficace ?

I.C. : Globalement, les dépenses ont chuté de 0,6 % par an entre 2010 et 2014 dans la zone européenne, notamment grâce à la baisse des dépenses de personnel (-1 % par an). Or, ces dernières représentent un quart des dépenses infranationales. Pour agir sur ce poste notamment, plusieurs pays sont passés par l’encadrement des dépenses publiques locales. La France a mis plus longtemps à adopter ces mesures.

Pourquoi un tel retard ?

I.C. : En France, il y a un manque de dialogue institutionnalisé entre les différents niveaux de gouvernement, notamment pour une gouvernance concertée des finances publiques. On n’a pas réussi à mettre en place le Haut conseil des territoires. C’est dommage car il aurait pu avoir un vrai rôle. Le Sénat semble s’y être a opposé en arguant qu’il jouait déjà ce rôle. Mais, la présence de sénats dans d’autres pays n’a pas empêché la mise en place de telles instances.

Quel lien faites-vous avec les mesures d’encadrement prises par les Etats centraux et la gouvernance des collectivités ?

D.A-D : Le problème n’est pas tant la présence de ces mesures d’encadrement – qui ont été renforcées en France récemment- que la question plus globale de la gouvernance des dépenses publiques entre l’Etat et les différents niveaux de gouvernement. C’est notamment le cas de l’investissement public, et cela ne concerne pas que la France, bien sûr.

Les collectivités gèrent mal leurs investissements ?

D. A-D : Au contraire, le niveau de la dette infranationale reste modéré en moyenne – dans l’OCDE et en France – et les innovations en matière de gouvernance viennent fréquemment du niveau local. Mais il existe souvent des problèmes de coordination entre elles, avec le gouvernement central et l’évaluation des coûts induits par les investissements sur le long-terme est encore insuffisante. De manière générale, on préconise d’améliorer les programmations pluriannuelles des investissements afin de mieux les articuler avec les procédures budgétaires et de multiplier les actions de mutualisation entre collectivités. On note toutefois que l’encadrement des finances locales s’est accéléré dans l’OCDE ces dernières années avec des investissements locaux décidés de plus en plus à l’échelle fonctionnelle.

Ce n’est pas vraiment le cas en France…

D.A-D : Il est certain que le problème de fragmentation territorial en France est réel. Il y a presque autant de collectivités en France qu’aux Etats-Unis ! Il faut davantage mutualiser les dépenses d’investissement, notamment à l’échelle communale et promouvoir les investissements intercommunaux pour réduire les doublons et réaliser des investissements à la bonne échelle. C’est une question politique plus que financière.

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