vendredi 9 août 2013

Marseille Provence 2013: pensez Aix Marseille Provence 2014!

PIERRES PLATES

Yvann Pluskwa : "Tout ce qui faisait le caractère enchanteur du littoral s'est étiolé"

L'architecte Yvann Pluskwa critique les lacunes de l'aménagement du littoral à Marseille. Selon lui, elles ne tiennent compte ni de la géographie ni des pratiques des Marseillais. Du Pharo au Roucas Blanc, son projet épouse la dentelle des rochers, tandis qu'à Saumaty et à Borely, il livre deux propositions iconoclastes. Interview manifeste avant de découvrir par étapes les détails de son projet.
Yvann Pluskwa
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Habitants d'une ville port, les Marseillais entretiennent un rapport singulier avec leur littoral. Son abord est celui d'un usage. Au nord, la majeure partie de la frange littorale est occupée par les bassins du port. Et si ce lieu de labeur a longtemps été poreux aux usages des riverains, les différents niveaux du plan Vigipirate ont achevé de le séparer de la ville. Au sud, le littoral a été modelé à grands traits pour un usage collectif de loisirs. Entre les deux, l'accès à la mer négocie avec l'urbanisation. Du coup, les habitants jouent de l'interstice pour venir pêcher ou se baigner depuis un bout de rocher. L'architecte Yvann Pluskwa a attentivement observé la façon dont les Marseillais travaillent cet usage. Il en a fait un projet urbanistique baptisé "Marseille 2014" censé ouvrir le débat d'un renouvellement de ces accès à la mer. En plusieurs étapes estivales, Marsactu vous propose d'entrer dans le détail de ce projet.
Marsactu : Le nom de code de votre projet - Marseille 2014 - sonne comme un manifeste pour le débat des municipales. Pourquoi vous être penché sur cette question ?
Yvann Pluskwa : L'un des points de départ de ma réflexion porte sur la pratique balnéaire que j'ai pu apprécier à Marseille depuis mon enfance et qui conserve un caractère extrêmement naturel. Il faut se souvenir que la plage du Prado avant sa transformation radicale était une bande de sable de 3 kilomètres de long. Depuis cette époque, j'ai été témoin d'une accumulation de détériorations de cette nature littorale. Tout ce qui en faisait le caractère enchanteur s'est étiolé. Or, on a besoin de ces prises de contact momentanées avec la mer. Marseille a là un atout fondamental pour l'épanouissement humain. Mon but est de tirer un signal d'alarme à propos de cet enjeu du territoire que l'on doit considérer comme un patrimoine naturel fondamental pour la qualité de la vie et le bien-être des habitants.
Dans ce rapport à la mer, vous insistez ainsi sur le caractère rocheux de la côte...
C'est mon deuxième point de départ : la valeur d'usage et les pratiques revendiquées par les Marseillais ne sont pas perçues et assumées par l'ensemble des politiques et ceux qui réfléchissent l'aménagement du territoire. Ce n'est pas pour rien que les gens vont s'entasser sur un bout de rocher à Malmousque. Ces pratiques sont imbriquées avec la culture cabanonnière, celle des ouvriers des chantiers navals, des usines. A une époque, il y avait un arrêté préfectoral qui interdisait de se baigner à poil sur la Corniche pour ne pas choquer les bourgeois qui passaient au-dessus… Aujourd'hui il y a une dichotomie entre la réalité géographique de la côte et l'aménagement urbain.
Ce dernier ne tient pas assez compte des petits sites ?
Il y a une focalisation des regards sur le Prado et les plages en même temps qu'une fermeture au coup par coup des escaliers et accès à la mer, une déconsidération pour le rocher. C'est l'objet de mon travail dans le cadre de mon diplôme d'architecture : il existe un débat entre l'urbanisation factice du littoral plébiscitée par la politique urbaine et, a contrario, un aménagement que je qualifierais de plus savant, au sens de l'intelligence collective. Avec une appréciation très fine de la topographie des sites, les Marseillais n'altèrent pas la naturalité pré-existante mais permettent malgré tout son aménagement modeste.
Un travail de dentelle dont vous vous inspirez dans votre projet, notamment avec des plates-formes de baignade installées au fil de la Corniche.
Mon objectif n'est pas de construire sur la côte, mais d'aménager, d'embellir, préserver de manière subtile un équilibre par rapport à la nature. Là où les accès sont bouchés, il faut libérer les veines, faire des micro-interventions au cas par cas, ici un banc, là une poubelle, une douche, des toilettes...
A l'inverse, à l'Estaque et Borély, les interventions que vous proposez ne sont-elles pas lourdes ?
Au nord, il y a une espèce d'enclave des terrains portuaires et industriels. Il faut repenser une mixité d'usage dans cette poche qui est aujourd'hui complètement fermée à la pratique humaine, à l'habitat. A Borély, je suis assez convaincu que l'hippodrome ne sert à personne.
Sa suppression est aussi proposée par Patrick Mennucci, candidat aux primaires socialistes, tandis que la majorité municipale a fait savoir son désaccord. Vous allez vous retrouver à prendre parti ?
Je n'ai pas envie de me positionner politiquement. Simplement, il y a un très grand espace faiblement utilisé, un potentiel d'extension du parc Borely, qui viendrait s'appuyer sur la mer.
Vous lancez aussi le débat sur l'aménagement de la digue du Large. N'est-ce pas optimiste face aux réticences du port ?
À partir du moment où l'on met en place des traversées sécurisées de type bateau ou passerelle, je ne vois pas le problème. Le port a accepté une desserte par bateaux pour l'installation de Kader Attia sur la digue du large, c'est donc bien que c'est possible… Globalement, il y a tellement d'entités qui filtrent les choix sur cet espace littoral que finalement personne ne propose rien. D'où l'idée d'une structure, un observatoire ou un département spécifique, qui transcende tous les cadres administratifs et territoriaux et s'en affranchisse. Il s'agit d'avoir un regard épais sur la frange littoral, aujourd'hui compartimentée suivant les secteurs et les propriétaires.
Retrouvez ci-dessous le projet Marseille 2014 :

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