jeudi 1 août 2013

Brittany Ferries :« C’est le monde à l’envers avec une CFDT qui refuse de signer un accord de compétitivité et une CGT qui signe. »

La CFDT contre vents et marées chez Brittany Ferries

publié le 17/07/2013 à 10H43 par Didier Blain
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Faute de dialogue social et de véritable négociation, la section CFDT de Brittany Ferries a refusé le plan de retour à la compétitivité imposé brutalement par les actionnaires.

Certains diront : « C’est le monde à l’envers avec une CFDT qui refuse de signer un accord de compétitivité et une CGT qui signe. » D’autres, plus amers, affirmeront : « C’est surtout la fin d’une belle histoire, celle des Brittany Ferries. » Les choses avaient pourtant bien démarré. Début 2012, la direction de Brittany Ferries en Bretagne répond positivement à la demande de la CFDT, syndicat majoritaire, sur la nécessité de redresser les comptes de l’entreprise déficitaire. Sur les trois dernières années, elle a perdu 70 millions d’euros. Ce n’est pas le trafic de transport de passagers et de fret vers la Grande-Bretagne et l’Espagne qui périclite. Au contraire, il progresse. Les difficultés proviennent notamment du déséquilibre monétaire. La livre sterling a beaucoup baissé par rapport à l’euro. Cette monnaie représente 80 % des recettes de l’entreprise alors que les dépenses s’effectuent en euros. De plus, le carburant utilisé par les bateaux a sérieusement augmenté. L’équation est complexe à résoudre.
Parfaitement consciente de ces problèmes, la section CFDT alerte à plusieurs reprises la direction afin de ne pas arriver à la conclusion que la variable d’ajustement, c’est l’emploi. Brittany Ferries compte 2 500 salariés dont 1 980 à temps complet, les autres étant des saisonniers et des CDD. Sans tabou, la section CFDT équipage est prête à se mettre à la table des négociations et à revoir certains avantages.
« Nous étions prêts à négocier sur l’organisation du travail, les congés et les salaires, affirme Jean-Paul Corbel, le délégué syndical, alors même que ces derniers étaient gelés depuis déjà quatre ans ». Le 8 juin, la direction présente un plan dit « de retour à la compétitivité » au comité d’entreprise. Les préconisations sont drastiques : suppression d’une indemnité mensuelle de 100 € (1 300 € par an) ; annualisation des heures supplémentaires, soit une perte de 250 € à 300 € par mois selon les salariés ; les amplitudes horaires qui variaient de neuf à onze heures passent de huit à douze heures ; un nouveau mode de calcul des repos compensateurs permet à la compagnie d’augmenter le temps d’embarquement de 15 jours ! Le tout pour un gain de 6 millions annuels.
« Pour cette négociation, nous avions posé 3 préalables, explique Christian Leblond, élu CFDT au CE, une répartition équitable de l’effort entre les différentes catégories de salariés, la direction et les actionnaires (la Sica de Saint-Pol-de-Léon), une limite dans le temps de l’effort et une restitution des efforts fournis aux salariés lorsque l’équilibre financier serait revenu, autrement dit un retour à meilleure fortune, comme le préconise l’accord sur la sécurisation de l’emploi qui n’existait pas encore ». Le CE fait procéder à une expertise. Celle-ci démontre que les salariés vont être principalement impactés par ces mesures. Fin août, l’équipe CFDT décide d’actions qui retardent l’appareillage de chaque navire de 2 heures. Elle organise également l’envoi massif de cartes postales au Crédit Agricole de Quimper, financeur de Brittany Ferries, qui a demandé un « dégraissage » des avantages des salariés. Le 20 septembre, une grève de 24 heures est organisée.
Réponse simple et brutale de la direction : non à tout. Non aux préalables, retrait immédiat de la prime de 100 € alors même que les négociations n’ont pas commencé. Et dès le 21 septembre, les actionnaires déclenchent un lock-out de 10 jours avec suppression de 10 jours de salaire. Sous la contrainte de ce lock-out, les actionnaires organisent une consultation des salariés qui se prononcent favorablement à une reprise du travail et donc à l’accord tel que présenté dans un premier temps par la direction. La CGT signe. La CFDT refuse de signer sous la pression et fait même valoir son droit d’opposition. Elle organise une importante manifestation à Roscoff le 28 septembre et mobilise les acteurs politiques régionaux et nationaux pour faire entendre raison aux actionnaires. Sans succès.
« Résultat : le dialogue social n’existe plus chez Brittany Ferries », constate Cyril Toulan, délégué syndical. Et les conséquences s’enchaînent avec une incompréhension et une démobilisation des salariés : les CV partent dans toutes les directions ; les demandes de rupture conventionnelle et de congé individuel de formation connaissent une forte hausse, l’absentéisme et les arrêts maladie aussi. Depuis, la CFDT tente de faire revenir les actionnaires sur leur décision et de reprendre les négociations sur la base de l’accord national. Mais pour l’heure, cette dernière reste muette.

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