jeudi 29 août 2019

Par Guillaume Lefèvre • La loi ne répond pas aux exigences de la CFDT, qui craint qu’elle fragilise le service public et les agents. • La CFDT-Fonctions publiques continuera de peser sur les décrets d’application à venir.

FONCTION PUBLIQUE : UNE RENTRÉE À HAUTS RISQUES

Publié le 29/08/2019
• La loi ne répond pas aux exigences de la CFDT, qui craint qu’elle fragilise le service public et les agents.• La CFDT-Fonctions publiques continuera de peser sur les décrets d’application à venir.
Le 23 juillet, les parlementaires adoptaient la loi de transformation de la fonction publique, dans un contexte de défiance grandissant des agents publics envers leurs employeurs. Pour rappel, lors du rendez-vous salarial du 2 juillet, le gouvernement a reconduit le gel du point d’indice, mettant à mal pour une année supplémentaire le pouvoir d’achat des fonctionnaires et contractuels. « [Cette date] restera un mauvais coup porté à la fonction publique, à l’emploi public, au service public et à l’ensemble de la population », affirment conjointement les organisations syndicales représentatives de la fonction publique (CFDT, CFTC, CFE-CGC, CGT, FAFP, FO, FSU, Solidaires et Unsa). Le compromis issu de la commission mixte paritaire (CMP) n’a pas modifié les grandes orientations du texte de loi et a même fait fi des quelques rares améliorations apportées par les députés (exclusion des emplois de catégorie C des contrats de projet, par exemple) ou par les sénateurs (tel que le rétablissement des compétences des commissions administratives paritaires [CAP] sur les avancements).
Une loi qui fragilise le service public et ses agents
Pour Mylène Jacquot, secrétaire générale de la CFDT-Fonctions publiques, ce texte ne répond ni aux exigences de la CFDT ni ne reconnaît le travail des 5,5 millions d’agents et leur engagement au service de l’intérêt général. « Nous émettons un avis défavorable et restons en désaccord avec la philosophie de ce texte. » Pourtant, pendant dix-huit mois, la CFDT a défendu un service public de qualité auprès des élus et exigé de meilleures garanties pour les agents. « Nous attendions du gouvernement la garantie d’un emploi statutaire de qualité, de nouvelles garanties pour les agents contractuels, et non l’élargissement du recours au contrat ! »
Or ni les députés ni les sénateurs, malgré quelques évolutions à la marge, n’ont pris en compte les intérêts des citoyens et des agents. Si le travail de la CFDT a permis des avancées notables, comme la mise en place dès 2021 d’une indemnité de fin de contrat court, le texte gouvernemental fragilise le service public et accroît la précarité de ses agents. Alors que la fonction publique compte déjà 20 % de contractuels, la loi facilite le recours au contrat. La mise en place d’un contrat de projet, d’une durée d’un à six ans, non renouvelable et n’ouvrant pas droit à titularisation ou l’ouverture aux contractuels de postes de direction dans les trois fonctions publiques s’inscrivent dans cette logique. « Ces mesures ne répondent pas à la nécessaire sécurisation des parcours professionnels ! » Par ailleurs, la CFDT craint que soient détournées les mesures visant à encourager la mobilité des agents, particulièrement le détachement d’office en cas d’externalisation. Ces dispositifs risquent d’être utilisés par l’employeur « pour pousser les fonctionnaires à quitter la fonction publique ou les obliger à suivre leurs missions concédées au secteur privé ».
Côté dialogue social, la création d’un comité social d’administration, territorial ou d’établissement (respectivement à l’État, à la territoriale et à l’hospitalière), issu de la fusion des comités techniques et des CHSCT, devra se faire sur la base d’une vraie écoute des organisations syndicales sous peine de perdre beaucoup, notamment en matière de santé et sécurité au travail. La réduction des attributions des commissions administratives paritaires devra être encadrée, « sinon les contentieux vont se multiplier », alerte la secrétaire générale de l’Uffa.
Un service public de qualité !
La loi ayant été promulguée au début du mois d’août, après le feu vert du Conseil constitutionnel, c’est désormais sur les décrets et ordonnances qu’il faut peser. « La négociation de proximité devra être mieux encadrée et définie, il faut que la participation financière des employeurs publics à la complémentaire santé soit augmentée et devienne obligatoire (lire l’encadré ci-dessous), les règles relatives à la protection de la santé des agents devront être améliorées. » Enfin, la CFDT attend que le gouvernement s’engage dans des négociations plutôt que des concertations.
   
Protection sociale complémentaire : les agents de la fonction publique inégalement couverts
Le 18 juillet, les inspections générales (IGA, IGF et Igas) ont présenté leur rapport sur la protection sociale complémentaire (PSC) des agents publics. Un document attendu depuis quinze mois par les organisations syndicales. Ce rapport servira de support à la future concertation sur la PSC des 5,5 millions d’agents publics (elle devrait débuter en septembre et s’achever en octobre 2020). L’article 17 de la loi de transformation de la fonction publique prévoit en effet que le gouvernement légifère par ordonnance d’ici à cette date afin de « redéfinir la participation des employeurs [publics] au financement des garanties de PSC de leurs personnels […] ».
« Jusqu’ici, nous n’avons pas appris grand-chose, regrette Martial Crance, secrétaire général adjoint de la CFDT-Fonctions publiques, d’autant plus que nous n’avons pas eu accès au rapport, mais seulement à quelques bribes d’informations. » Les inspecteurs décrivent un dispositif complexe au sein des fonctions publiques d’État et territoriale, et qui « ne répond pas à l’ensemble des besoins » dans l’hospitalière. Les éléments montrent que le « niveau de participation financière des ministères à la PSC est hétérogène ». Les inégalités varient d’un ministère à l’autre, selon la taille de la collectivité ou d’un hôpital. Ainsi, la participation est de 3 euros à l’Éducation nationale… contre 120 euros au ministère des Affaires européennes et étrangères. Et des difficultés à accéder aux informations dans les fonctions publiques territoriale et hospitalière ont été pointées. « Alors que la participation des ministères au financement de la PSC est en baisse depuis 2005, prévient Martial Crance, tous les employeurs devront assumer leurs responsabilités et offrir une meilleure protection à leurs agents. »
  

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