mercredi 14 mars 2018

Un fait isolé commis par le salarié peut suffire à justifier un licenciement, sans qu’il soit nécessaire que celui-ci ait donné lieu à une sanction préalable. C’est ce qu’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt récent du 24 janvier 2018. Cass.soc.

LICENCIEMENT DISCIPLINAIRE: UN SEUL FAIT SUFFIT !

Publié le 14/03/2018
Trois avertissements avant licenciement ? La théorie des trois avertissements nécessaires pour pouvoir licencier est, en fait, une "légende urbaine". La commission d’un fait isolé par le salarié peut suffire à justifier un licenciement, sans qu’il soit nécessaire que celui-ci ait donné lieu à une sanction préalable. C’est ce qu’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt récent du 24 janvier 2018. Cass.soc. 24.01.2015, n°16-14386.
  • Faits et procédure
Dans cette affaire, le salarié a été mis à pied à titre conservatoire après avoir fait l'objet un contrôle routier à l'issue duquel son permis de conduire a été suspendu pour une durée de 72 heures. Il a été licencié pour faute grave, l'employeur lui reprochant une prise de poste sous l'emprise de produits stupéfiants et un usage de téléphone au volant, interdits, à la fois, par la loi et par le règlement intérieur de la société.
Par la suite, le tribunal correctionnel a relaxé le salarié du chef de conduite sous l’emprise de stupéfiants (les faits n'étaient pas établis car la présence dans le sang d'une substance active inférieure au seuil de détection ne pouvait pas suffisamment caractériser l’usage de cannabis). Seule l’infraction d’usage d’un téléphone au volant d’un véhicule a été retenue à son encontre. C’est ainsi que le salarié a saisi le conseil de prud’hommes pour contester son licenciement.
Les juges du fond lui ont donné raison. Ils ont estimé que le licenciement disciplinaire fondé sur ce seul chef était injustifié. À l’appui de leur décision, les juges d’appels retiennent que l’employeur ne fait pas état des précédents disciplinaires du salarié pour soutenir le caractère proportionné du licenciement. Ils en concluent que « le seul grief établi à l’encontre du salarié ne peut constituer une faute, ni même une cause réelle et sérieuse de licenciement ».
L’employeur a alors formé un pourvoi en cassation contre cette décision.
  • Le licenciement peut être causé par un seul fait fautif selon son niveau de gravité
La Haute juridiction casse l’arrêt d’appel considérant que « la commission d'un fait isolé peut justifier un licenciement sans qu'il soit nécessaire qu'il ait donné lieu à sanction préalable ». En cela, la chambre sociale est fidèle à sa jurisprudence posée dans un arrêt du 1er juillet 2008, au sujet d’un salarié surpris en train de fumer un « joint » dans la salle de pause fumeurs de l’entreprise(1).  
Le règlement intérieur peut parfois prévoir une sanction spécifique pour une faute précise. Dans ce cas, l’employeur doit s’y conformer et ne peut pas prononcer une sanction plus sévère. Dans cette affaire, si le règlement intérieur avait prévu un avertissement pour l’usage du téléphone au volant, le salarié n’aurait pas pu être licencié.
Elle ajoute que la cour d’appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs en n’appréciant pas la gravité de la faute invoquée.
En effet, si les juges du fond ne peuvent déclarer un licenciement abusif au motif d'une absence de sanction préalable, ils disposent en revanche d'un pouvoir souverain pour apprécier si la faute invoquée présente un caractère suffisamment sérieux pour justifier une rupture du contrat de travail. En somme, tout dépend du degré de gravité de la faute commise.
Ainsi, par exemple, le seul fait de s'être assoupi pendant son service de nuit(2) ou alors le vol portant sur un objet de faible valeur(3) sans que le salarié n’ait jamais fait l'objet d'aucune sanction antérieure ne pouvait justifier un licenciement. En revanche, la commission d’une infraction pénale par le salarié sur son temps de travail l’expose nécessairement au licenciement, quand bien même ce fait serait isolé.

(1) Cass.soc. 01.07.08, n° 07-40053 et 07-40054.
(2) Cass.soc. 22.09.15, n° 14-13965.
(3) Cass.soc. 06.04.11, n° 10-15286.

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