samedi 10 mars 2018

Réforme de la formation professionnelle:la ministre a repris l’essentiel des droits obtenus par la négociation entre partenaires sociaux – le compte personnel de formation (CPF), augmenté pour tous et renforcé pour les moins qualifiés, le droit aux formations longues (CPF de transition) en lieu et place du congé individuel de formation (CIF) et le conseil en évolution professionnelle (CEP), doté d’un financement dédié. En revanche, la CFDT a déploré la monétisation du CPF car « cela risque d’avoir un impact sur l’équilibre de l’ensemble des droits »

RÉFORMES SOCIALES : LES HAUTS ET LES BAS DES ANNONCES GOUVERNEMENTALES

Publié le 07/03/2018
Au terme des négociations sur la formation professionnelle et l’assurance-chômage, Muriel Pénicaud a dévoilé les grands axes du projet de loi “pour la liberté de choisir son avenir professionnel”, présenté en avril. La CFDT appelle à la poursuite du dialogue.
Toute la presse était rue de Grenelle le 5 mars pour les annonces de la ministre du Travail sur la future réforme de la formation professionnelle. Motif de satisfaction pour la CFDT, la ministre a repris l’essentiel des droits obtenus par la négociation entre partenaires sociaux – le compte personnel de formation (CPF), augmenté pour tous et renforcé pour les moins qualifiés, le droit aux formations longues (CPF de transition) en lieu et place du congé individuel de formation (CIF) et le conseil en évolution professionnelle (CEP), doté d’un financement dédié. En revanche, la CFDT a déploré la monétisation du CPF car « cela risque d’avoir un impact sur l’équilibre de l’ensemble des droits », selon le secrétaire national Yvan Ricordeau, chef de file CFDT dans la négociation formation professionnelle.Au 1er janvier 2019, l’unité de mesure du CPF passera donc de l’heure à l’euro. Le CPF des salariés sera crédité de 500 € par an dans une limite de 5 000 €, ce montant s’élevant à 800 € plafonné à 8 000 € pour les moins qualifiés.
Une régulation forte
« Dans les faits, cela risque d’entraîner une diminution des droits des salariés, note Yvan Ricordeau. Aujourd’hui, les Opca [organismes paritaires collecteurs agréés] sont en mesure de valoriser l’heure de formation à 20, 30 ou 40 €. Une formation de 2 100 €, par exemple, pouvait être acquise en deux ans selon les règles du CPF actuel (35 heures par an), en comptant l’heure de formation à 30 €. Avec le nouveau système, il faudra attendre plus de quatre ans. » Aussi, la CFDT demande que soit instaurée une régulation forte du système de formation, qui pourrait être exercée au niveau national par les nouvelles instances que prévoit le gouvernement.
Sur la gouvernance, Muriel Pénicaud a précisé ses intentions, parlant de « réforme systémique ». La collecte effectuée aujourd’hui par le réseau des Opca sera désormais prise en charge par l’Urssaf ; la partie destinée au CPF sera gérée par la Caisse des dépôts et consignations. « La CFDT n’a jamais fait du circuit de la collecte de la cotisation un véritable enjeu, commente Yvan Ricordeau. Mais la transformation de la gouvernance ne figurait pas dans le document d’orientation qui nous a été remis avant la négociation, et ces annonces n’ont été précédées d’aucune concertation. Ce n’est pas acceptable. » Les Opca verront leur rôle profondément remanié. Rebaptisés opérateurs de compétences et organisés dans une logique de filières, ils conseilleront les branches professionnelles et les entreprises, financeront les centres de formation des apprentis et participeront à la construction des diplômes professionnels. À l’échelle nationale, la gouvernance sera assurée par l’agence France Compétences, qui remplacera les trois instances actuelles (FPSPP, Cnefop et Copanef.) Cette agence quadripartite composée des partenaires sociaux, de l’État et des régions, sera chargée de réguler l’offre de formation en matière de coûts et de qualité. Le quadripartisme à ce niveau de décision est un élément intéressant selon Yvan Ricordeau, à condition qu’un espace de discussion propre aux partenaires sociaux y soit garanti. La CFDT regrette toutefois que la ministre ait, le 5 mars, fait l’impasse sur certains sujets : « Nous manquons d’éléments sur la politique de certification, le dialogue social dans l’entreprise, l’expression des besoins dans les branches comme dans les entreprises et sur l’aspect territorial, énumère Yvan Ricordeau. Nous demandons à la ministre de nous recevoir rapidement afin de clarifier ces points et de préciser ce qui n’est pas encore stabilisé au niveau de la gouvernance. »
Ajustements à la marge sur l’assurance-chômage
Globalement « en phase avec le texte de l’accord » finalisé par les partenaires sociaux, la ministre du Travail n’a en revanche pas fait grand-messe de la réforme de l’assurance-chômage. L’équilibre de l’accord devrait être respecté, comme l’avaient exigé les partenaires sociaux la semaine dernière (lire SH no 3629).Quelques nuances sont toutefois à souligner. Sur les démissionnaires, le gouvernement souhaite abaisser à cinq ans la durée d’affiliation du salarié à l’assurance-chômage pour ouvrir des droits dans le cadre d’un projet professionnel. C’est deux ans de moins que ce que prévoyaient les partenaires sociaux. Cet élargissement – conforme à la promesse de campagne d’Emmanuel Macron – porterait le nombre de nouveaux bénéficiaires potentiels à 30 000 par an (auxquels s’ajoutent les 70 000 salariés qui bénéficient déjà d’une allocation chômage suite à une démission). Les indépendants en liquidation judiciaire dont le bénéfice annuel tourne autour de 10 000 € se verront proposer une allocation forfaitaire financée par la CSG plafonnée en durée (six mois) et en montant (800 € mensuels). Le gouvernement pourrait parallèlement intégrer au projet de loi des mesures plus globales sur les travailleurs des plateformes pour « sécuriser leur modèle économique et apporter des droits supplémentaires en matière d’assurance-chômage et de formation professionnelle », précise le ministère.
Reste la question, ultrasensible, de la lutte contre la précarité. Conformément à ce qui a été conclu par les partenaires sociaux, la limitation du recours aux contrats courts est confiée aux branches, qui doivent négocier un accord avant la fin de l’année. « Si les branches ne sont pas parvenues à des résultats satisfaisants, nous leur appliquerons un bonus-malus dont la possibilité sera inscrite dans le projet de loi », indique la ministre. Les modalités du dispositif ne sont pas tranchées ; le gouvernement se laisse quelques mois pour réfléchir à un dispositif qui ne verra pas le jour avant la fin 2018.
Le flou demeure également sur le contrôle des chômeurs et la future gouvernance du régime. Les deux questions doivent être abordées lors d’une réunion multilatérale autour de la mi-mars…

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