jeudi 22 juin 2017

Laurent Berger revient sur les attentes et les "lignes rouges" de la CFDT dans la concertation qui s'ouvre les réformes sociales:“S'IL Y A DES DÉSACCORDS PROFONDS, NOUS LE DIRONS”

[INTERVIEW] “S'IL Y A DES DÉSACCORDS PROFONDS, NOUS LE DIRONS”

Publié le 20/06/2017 à 18H00
Dans une interview au Journal du Dimanche du 18 juin 2017, Laurent Berger revient sur les attentes et les "lignes rouges" de la CFDT dans la concertation qui s'ouvre les réformes sociales.
La « vague Macron » change-t-elle le rapport de force?C'est le choix des citoyens, mais cette large majorité renforce la nécessité de construire des politiques en contact avec la société civile et les corps intermédiaires. Partagez le pouvoir, ai-je envie de dire au Président et au gouvernement! Le concentrer ne serait pas sans risques et sans difficultés tant les fractures sociales et territoriales sont réelles. Il va falloir apporter des réponses en matière de lutte contre la pauvreté, d'accompagnement des travailleurs dans leur parcours professionnel, favoriser le retour à l'emploi des chômeurs de longue durée, développer une action publique de proximité. La question posée est celle du sens : soit on construit des politiques de progrès qui font vivre des valeurs, réduisent les inégalités, favorisent l'équilibre entre performance économique et justice sociale au service d'une fraternité retrouvée. Soit on élabore juste des politiques qui mises bout à bout n'incarnent aucune grande logique. Jamais il n'y a eu un tel paradoxe entre, d'un côté, un pouvoir très concentré, et de l'autre, des tensions et des attentes fortes en termes de changement. La victoire ne laisse pas de place à l'euphorie. Il n'y a pas d'homme providentiel, ni de solution miracle.
Dans ce contexte, les syndicats ont-ils un plus grand rôle à jouer?
Nous devons concourir à l'intérêt général, personne n'a intérêt à ce que le pays implose. Les risques de manifestations et de violence sont importants tant la société vit sous tension. C'est pour cela qu'il faut faire du dialogue social, les ­syndicats ont un rôle à jouer sur le Code du travail, l'assurance chômage, la formation professionnelle… Mais nous ne devons pas nous cantonner à ces sujets essentiels. Fin mai, nous avons remis au Premier ministre des propositions en matière de fiscalité, d'Europe, de lutte contre la pauvreté qui prouvent que le syndicalisme, tel que le construit la CFDT, est porteur d'une vision.
Avec FO, vous demandiez un délai pour discuter des ordonnances sur le Code du travail. Avez-vous été entendus?
Il y a eu une détente du calendrier jusqu'à fin septembre, nous avons six rendez-vous avec le ministère du Travail durant lesquels nous présentons nos propositions et écoutons celles du gouvernement. Sur le calendrier, il ne faut pas faire de procès d'intention, ce n'est pas un facteur de blocage. Le syndicalisme se grandit quand il est sur les questions de fond. Ce n'est pas en restant au bord du terrain qu'on peut influer sur le jeu. Contrairement à ce que disent certains, ce n'est pas plié. Ne sifflons pas la fin du match avant qu'il ne soit joué !
Quelles sont vos lignes jaunes?
Nous sommes contre le référendum d'entreprise à l'usage de l'employeur en cas d'absence d'accord avec les organisations syndicales. Sur le plafonnement des dommages et intérêts versés aux prud'hommes, nous sommes en désaccord par principe car il est normal de toucher une réparation intégrale après un licenciement abusif. Attention aux fausses solutions ! Un barème pourrait très bien embêter la vie des entreprises puisqu'il y aura des dérogations en cas de harcèlement et de discrimination. On élaborera des contre-propositions, à nous aussi de faire en sorte que les politiques ne fassent pas n'importe quoi. Nous ne sommes pas demandeurs d'une fusion des instances représentatives du personnel. Mais si c'est le cas, il doit y avoir une commission spéciale sur la sécurité et la santé au travail et qu'elle puisse ester en justice. Enfin, nous souhaitons augmenter les indemnités légales de licenciement et développer la place et les moyens des syndicats. La branche doit voir son rôle renforcé, notamment en matière de qualité de l'emploi, et les entreprises doivent négocier sur l'organisation du travail et leur responsabilité sociale.
Un pays qui fonctionne bien est un pays qui articule démocratie politique et démocratie sociale.
Et si vous n'êtes pas écoutés?
Je ne suis pas animé par la peur ni par la confiance absolue, mais par la détermination et l'exigence. La désertion sociale n'est pas une solution. S'il y a des désaccords profonds, nous le dirons car nous sommes libres et engagés. Le gouvernement a deux options : une simplification bête et méchante des relations sociales. Ou bien l'élaboration d'un nouveau pacte social qui articule un droit du travail supplétif élevé avec un rôle renforcé des branches et un espace de discussion dans les entreprises. Le gouvernement ne doit pas nous squeezer. S'il le fait, nous nous mobiliserons. Un pays qui fonctionne bien est un pays qui articule démocratie politique et démocratie sociale.
Êtes vous favorable à une étatisation de l'Unédic?
Non, mais le paritarisme pour le paritarisme alors que nous sommes déjà dans une logique tripartite n'est pas non plus la solution. Il faut un système où les partenaires sociaux conservent une place pour établir les règles. Ce second temps de réforme ne doit pas être abordé uniquement sous l'angle du pilotage, de la gouvernance, du Meccano. On veut des mesures concrètes concernant les chômeurs de longue durée et les jeunes sans qualification. Plus personne ne parle du compte personnel d'activité, qui est pourtant un outil de portage des droits dans un cadre collectif et de sécurisation des salariés. Nous souhaitons y intégrer une banque des temps pour accompagner les parcours professionnels. 

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